Absence de mention des voies et délais de recours, sécurité juridique et délai raisonnable
Est jugé tardif, et par suite irrecevable, le recours dirigé contre une décision administrative individuelle expresse ne mentionnant pas les voies et délais de recours exercé au-delà d’un délai raisonnable.
Le Conseil d’Etat met un véritable coup d’arrêt à sa jurisprudence découlant de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative (voir notamment CE, Section, 13 mars 1998, Madame Mauline, n°120079) selon laquelle en l’absence de mention des voies et délais de recours un recours en annulation peut être exercé sans délai, au motif que « le principe de sécurité juridique […] implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps. »
Si dans cette affaire, qui portait à juger de la recevabilité d’un recours engagé à l’encontre d’un arrêté de pension notifié vingt-deux ans auparavant, la notion de délai raisonnable ne posait pas de difficulté majeure, ses contours mériteront sans doute d’être définis précisément. Que signifie-t-elle en effet ?
La Haute Juridiction anticipe, non sans une certaine prudence, cette difficulté en considérant que « en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. »
Rendue en matière d’excès de pouvoir, cette solution semble transposable au recours de plein contentieux dirigé contre une décision liant le contentieux. Elle reste néanmoins inapplicable aux décisions réglementaires, dont le délai de recours contentieux est conditionné à un acte de publication.
Faisons preuve de vigilance, puisque ce revirement jurisprudentiel, dont le Conseil d’Etat admet expressément qu’il est d’application immédiate -puisque ne portant pas atteinte « à la substance du droit au recours », ne devrait pas tarder à s’inviter dans les débats de toutes les instances en cours…
CE, Ass., 13 juillet 2016, M. Czabaj, n°387763