Appel en garantie contre le maître d’œuvre pour les travaux indispensables : oui … mais !
Dans un arrêt du 20 décembre 2017, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage doit supporter la charge définitive des travaux supplémentaires indispensables.
En principe, ces travaux s'avérant indispensables à l'achèvement de l'ouvrage dans les règles de l'art, leur coût doit être assumé par le maître d’ouvrage qui en bénéficie.
Toutefois, le maître d’ouvrage peut-il se retourner contre le maître d’œuvre pour lui faire supporter tout ou partie de la charge de ces travaux ?
« Oui » - affirme la Haute juridiction, le maître d’ouvrage condamné au paiement de travaux supplémentaires peut appeler en garantie le maître d’œuvre intervenu à l’opération si ce dernier a commis une faute, notamment dans son devoir de conseil.
Selon une jurisprudence établie, on sait en effet que la réception définitive d’un ouvrage ne libère pas le maître d’œuvre de toutes ses obligations à l’égard du maître d’ouvrage (voir notamment : CE, 8 juin 2005, Ville de Caen, n°261478, mentionné dans les Tables).
« Mais » - précise-t-elle, cet appel en garantie ne pourra être accueilli que dans deux hypothèses identifiées :
- Soit le maître d’ouvrage démontre que (i) la nécessité de réaliser les travaux supplémentaires est consécutive à une mauvaise évaluation initiale de la masse des travaux par le maître d’oeuvre révélée après la passation du marché et que (ii) la connaissance de cette erreur en temps utile l’aurait conduit à modifier le projet de construction, voire à y renoncer ;
- Soit le maître d’ouvrage établit que (i) les travaux supplémentaires indispensables sont dus à une faute du maître d’œuvre dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi des travaux et que (ii) le montant desdits travaux est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le maître d’œuvre n’avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants (en ce sens déjà : CE, 1er juillet 1970, Commune de Sainteny, n°70820 - 72704, rec. p. 451 et CE, 14 novembre 1979, District du Grand Rodez, n°01818, Tables p. 799).
En l’espèce, le Conseil d’Etat confirme l’analyse des juges du fond, qui rejettent partiellement l’appel en garantie de la Communauté d’agglomération du Grand Troyes, en considérant que le paiement des travaux supplémentaires supportés par cette dernière ne répondait à aucune des deux hypothèses.
Cet arrêt révèle certainement une ouverture intéressante pour le maître d’ouvrage en passe d’être condamné au paiement de travaux supplémentaires indispensables, puisqu’un droit à être « relevé et garanti » par le maître d’œuvre fautif lui est reconnu.
Mais la charge de la preuve que fait peser sur lui le juge administratif sera sans doute de nature à freiner l’efficacité de ses appels en garantie.