Concessions de service public et encadrement du droit de grève des agents
Lorsqu’un service public est concédé par une personne publique, se pose la question de savoir qui de l’autorité concédante ou du concessionnaire est habilité à fixer des règles encadrant le droit de grève des agents de la société concessionnaire.
À l’occasion d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision du ministre chargé des transports ayant rejeté la demande du syndicat CGT de la société Cofiroute tendant au retrait d’une directive relative au service minimum à assurer en cas de grève sur les autoroutes concédées, le Conseil d’Etat vient préciser dans un arrêt du 5 avril 2022 que lorsque « ce service est concédé, ce pouvoir [d’encadrer le droit de grève des agents] appartient, sauf texte particulier, à l’autorité concédante », en l’occurrence ici à l’Etat s’agissant de concessions d’autoroutes.
Le Conseil d’Etat s’inscrit donc en continuité de sa célèbre jurisprudence DEHAENE (Conseil d'Etat, Assemblée, du 7 juillet 1950, 01645, publié au recueil Lebon) dans laquelle il avait indiqué qu’en l’absence de la complète législation annoncée par le Préambule de la Constitution de 1946, le « droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées […] en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays. Il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue de ces limitations ».
Ainsi, le fait de concéder un service public ne décharge pas la personne publique de la responsabilité qui lui incombe à l’égard des bénéficiaires de ce service et il lui revient donc de définir les règles de nature à assurer la continuité du service et de concilier cette exigence avec l’exercice du droit de grève, de nature constitutionnelle.
Cette solution est applicable pour tous les services publics concédés, par l’Etat ou par les collectivités territoriales (sauf texte particulier).
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 5 avril 2022, 450313