Contrôle du caractère manifestement excessif des pénalités : le juge administratif apprécie au cas par cas et avec une relative sévérité
Depuis l’arrêt OPH de Puteaux du Conseil d’Etat (CE, 29 décembre 2008, n°296930, publié au recueil), on sait que le juge administratif saisi de conclusions en ce sens peut moduler les pénalités contractuelles lorsqu’elles apparaissent manifestement excessives (voir également en ce sens CE, 19 juillet 2017, Société GBR Ile-de-France, n°392707).
Un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux en fin d’année 2021 permet à nouveau de se pencher sur ce pouvoir de modulation des pénalités par le juge administratif et plus généralement sur son appréciation du caractère manifestement excessif des pénalités. En effet, ce n’est qu’après la reconnaissance d’un tel caractère que le juge pourra limiter le montant des pénalités appliquées à un cocontractant de l’administration.
La Juridiction d’appel a rappelé dans sa décision que le demandeur sollicitant une modération des pénalités appliquées ne pouvait « soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge » mais qu’il devait bien « fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ».
Au regard des faits de l’espèce, le demandeur soutenait que les pénalités appliquées, d’un montant total de 119 000 euros pour un marché de 249 000 euros TTC, étaient manifestement excessives puisqu’elles correspondaient à 48% du montant du marché. Pour autant, la Cour administrative d’appel a rejeté sa demande.
En effet, le juge administratif a relevé que le marché portait sur la livraison de matériel qui est intervenue avec 63 jours de retard alors même que la durée initiale du marché était de 6 semaines et que l’acheteur public a été obligé de louer le matériel pour pallier le manquement de son cocontractant. L’arrêt retient ensuite que, compte-tenu de ces circonstances (ampleur du retard et conséquences pour l’acheteur) et puisque le demandeur s’est borné à indiquer que le montant des pénalités face à celui du marché, le caractère manifestement excessif doit être écarté.
Avec cette décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, on observe donc un nouvel exemple de l’appréciation réalisée par le juge administratif en matière de contrôle du montant des pénalités. L’importance du montant, même si celui-ci approche la moitié du montant total du marché, ne saurait suffire à justifier le caractère manifestement excessif.
L’opérateur souhaitant voir les pénalités contractuelles moduler par le juge administratif doit ainsi faire une véritable démonstration du caractère excessif, au regard notamment de l’objet du marché ou des circonstances spécifiques de celui-ci et ce sans se limiter à énoncer l’importance du montant rapporté à celui du marché initial.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 16 décembre 2021, « Société CTP », n°20BX00470