Encadrement des matériaux par les PLU : un partout, balle au centre
Rep. min. n° 16696 JOS du 9 juillet 2020 p. 16696
Conformément aux dispositions de l’article L. 151-18 du Code de l’urbanisme (anciennement L. 123-1-5), le règlement d’un PLU « peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions ». Il n’est ainsi pas rare de retrouver dans certains PLU des règles qui imposent (ou proscrivent) l’utilisation de certains matériaux, dans un souci de cohérence paysagère et urbaine, et ce même hors des périmètres protégés (Plans de Sauvegarde et de Mise en Valeur, Sites Patrimoniaux Remarquables, etc.) (voir à ce sujet « Prescription et proscription des matériaux par le règlement du plan local d’urbanisme pour l’aspect extérieur des constructions », Iza Caré, Rev.jurisp. ALYODA 2020 n°1).
Mais est-ce régulier ? Le débat reste ouvert.
- Pour l’administration, c’est non
Interrogée sur ce point, l’administration relève traditionnellement que le règlement d’un PLU peut proscrire ou imposer l’utilisation de certains matériaux dans les secteurs protégés (Rep. min. n° 55265, JOAN Q 16 novembre 2010, p. 12460). Dans une lecture restrictive de cet article L. 151-18 du code de l’urbanisme, et selon un raisonnement a contrario, elle estime qu’« en dehors de ces secteurs [protégés], seul l'aspect du revêtement de la construction pourra être réglementé sans pouvoir strictement interdire un matériau ou son imitation » (Rep. min. n° 01509, JOS 11 novembre 2018, p. 5163 ). Cette lecture est soutenue avec constance (récemment réaffirmé dans la Rep. min. n° 16696 JOS du 9 juillet 2020 p. 16696).
En somme, elle estime que les textes prévoient de façon limitative les prescriptions que les règlements des PLU peuvent arrêter pour encadrer l’aspect extérieur des constructions. Ces règles ne « concernent donc [que] les caractéristiques formelles de chaque élément architectural, tel que les toitures, les ouvertures, ou les ouvrages en saillie, ainsi que les règles d'aspect extérieur contribuant à la qualité de leur insertion dans le milieu environnant, telles que les couleurs de ces éléments architecturaux ». Ainsi, rien dans les textes n’autoriserait clairement le règlement d’un PLU à interdire ou imposer l’usage de certains matériaux en dehors des périmètres protégés.
- Pour le juge administratif, c’est oui
Les juridictions ne sont pas amenées à se prononcer souvent sur cette question. Cette circonstance s’explique notamment par le fait que les pétitionnaires s’attachent en général à respecter ces règles dont l’application est assez simple, sans se soucier de leur légalité.
Toujours est-il qu’en 2011, la CAA de Marseille (CAA de Marseille, 20 décembre 2011, n° 10MA00442, utilisation d’un certain type de tuiles) et la CAA de Lyon (CAA de Lyon, 10 mai 2011, n° 09LY00729, sur une question de boiseries extérieures) ont validé l’obligation posée par le règlement d’un PLU d’utiliser un certain type de matériaux, en écartant d’ailleurs délibérément et explicitement la doctrine administrative (pour la CAA de Lyon).
La CAA de Lyon a récemment confirmé sa position de 2011, en annulant un jugement du TA de Grenoble qui avait adopté une lecture trop restrictive de la règle du PLU qui imposait que 25% de la façade soit recouverte de bois traité non peint (CAA de Lyon, 11 juillet 2019, n° 18LY00937). Le TA avait estimé que la règle imposant l’usage d’un matériau précis (le bois traité non peint) devait s’entendre comme imposant l’usage de matériaux qui en avaient l’apparence. Elle censure cette approche en rappelant que :
« les documents locaux d'urbanisme peuvent, s'agissant de déterminer les règles concernant l'aspect extérieur des constructions en application des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur dont la teneur est désormais reprise à l'article L. 151-18 de ce code, imposer l'utilisation de certains matériaux pour les constructions, y compris quand ces dernières ne sont pas incluses dans un périmètre protégé »
Il en résulte que, selon un certain courant jurisprudentiel à ce jour limité aux cours administratives d’appel, les PLU peuvent bien imposer ou proscrire l’utilisation de certains matériaux.
- Pour la doctrine, c’est à déterminer
Réagissant à cette divergence, la doctrine est relativement partagée, plus « nuancée » (voir à ce sujet l’article de Xavier Couton « PLU et matériaux : un flou persistant » dans le bulletin Construction-Urbanisme, n° 10, octobre 2019). Cette nuance réside dans la possible dissociation entre l’aspect d’un matériau et sa ‘’composition’’, qui constitue la clef de voute de la réglementation de « l’aspect extérieur » des constructions.
D’aucuns dissocient l’aspect du matériau de sa composition. Ils estiment que comme les PLU ne peuvent réglementer que « l’aspect extérieur » des constructions, ce serait uniquement sous cet angle que certains matériaux pourraient alors être imposés ou interdits (X. Couton préc., reprenant G. Godfrin, « La réformette des secteurs sauvegardés (suite) » Constr.-Urb. 2007 comm. 126). Seul leur aspect (et non leur ‘’composition’’) pourrait ainsi être encadré. Il serait alors possible d’autoriser l’utilisation de matériaux ayant le même aspect que les matériaux imposés (bois ou aspect bois par exemple), ce qu’a explicitement exclu la CAA de Lyon dans son arrêt de 2019.
D’autres estiment au contraire que la ‘’composition’’ des matériaux est indissociable de leur aspect extérieur. Or, comme les matériaux déterminent l’aspect extérieur des constructions, les PLU pourraient donc encadrer leur utilisation. Il ne faut pas, selon eux, confondre matériaux et procédés de construction. Ici, l’indissociabilité des matériaux et de leurs aspects permettrait l’encadrement de l’usage des matériaux (I. Caré, préc.).
Tous s’accordent toutefois à dire qu’une décision du Conseil d’Etat sur ce sujet serait la bienvenue. Elle permettrait de clarifier la question de l’encadrement des matériaux par les PLU, et ainsi d’arbitrer le match entre l’administration et le juge administratif (Réponse ministérielle de 2010, arrêts des CAA de 2011, réponse ministérielle de 2018, arrêt de la CAA de Lyon en 2019, réponse ministérielle de 2020).