Insuffisance du cautionnement : à défaut de résiliation unilatérale par le sous-traitant, celui-ci doit exécuter son contrat!
Dans le cadre de la réalisation d’un projet immobilier, une société chargée des travaux en a sous-traité une partie à une autre société. Le sous-traitant avait lui-même confié une partie des travaux à une autre société, cette dernière a cependant suspendu ses prestations suite à une insuffisance de cautionnement.
Selon les dispositions de l’article 3 la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. »
En application de ce texte, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence suivant laquelle : « La méconnaissance par l'entreprise principale de son obligation de faire accepter le sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage ouvre au sous-traitant une faculté de résiliation unilatérale pendant toute la durée du contrat, lequel doit recevoir application lorsque la sanction légale n'a pas été mise en œuvre » (Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 avril 2003, 01-11.889).
L’article 14 de cette même loi ajoute que : « A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant. A titre transitoire, la caution pourra être obtenue d'un établissement figurant sur la liste fixée par le décret pris en application de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 concernant les retenues de garantie. »
En application de ces dispositions, la Cour de cassation juge qu’« à peine de nullité du sous-traité, sauf délégation du maître de l'ouvrage au sous-traitant, l'entrepreneur principal doit garantir le paiement de toutes les sommes dues au sous-traitant par une caution personnelle et solidaire, le cautionnement devant être préalable ou concomitant à la conclusion du contrat de sous-traitance ».
La Cour de cassation déduit de la combinaison de ces dispositions que : « si le sous-traitant n'use pas de la faculté de résiliation unilatérale qui lui est ouverte par l'article 3 de la loi précitée et n'invoque pas la nullité de celui-ci sur le fondement de l'article 14 de la même loi, le contrat doit recevoir application. »
En l’espèce, la Cour de cassation estime qu’en jugeant que « la suspension de ses travaux par la société Gagne, faute pour celle-ci de disposer d'un cautionnement valable garantissant l'exécution de la fin du chantier, fondée sur le bénéfice de la protection légale […] ne constitue pas un abandon de chantier », la Cour d’appel méconnaît les dispositions des articles 3 et 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 novembre 2021, 20-19.372