La présomption d’urgence dans le cadre d’une procédure de référé-suspension contre une autorisation d’urbanisme se renverse !
Si la suspension d’une décision administrative, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, se fait traditionnellement lorsque les conditions d’urgence et de doute sérieux quant à la légalité de l’acte sont remplies, l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit que l’urgence est présumée remplie lorsque l’on conteste un permis de construire.
Dans le cadre d’une procédure contre une autorisation d’urbanisme relative à une usine de méthanisation de déchets non-dangereux, le Conseil d’Etat est venu (i) rappeler que cette présomption était simple et non irréfragable et (ii) montrer dans quelle hypothèse celle-ci peut être renversée.
En ce qui concerne la nature de la présomption énoncée à l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme, la Haute Juridiction avait déjà eu l’occasion de retenir qu’elle pouvait être renversée et donc qu’elle n’était pas irréfragable (voir en ce sens Conseil d’Etat, 29 juin 2020, « Société Arcaro et autres », n°435356, inédit).
Sur la condition d’urgence en tant que telle, le juge a depuis longtemps appliqué un bilan entre l’urgence avancée par le requérant et le préjudice que pourrait avoir une telle suspension pour l’administration afin d’apprécier si cette condition était véritablement remplie.
C’est sur la base de ce bilan que le Conseil d’Etat est venu apporter une illustration du possible renversement de la présomption d’urgence. Il est ainsi retenu dans un arrêt du 26 mai 2021 que :
« […] il résulte de l'instruction, d'une part, que le projet contesté répond à un motif d'intérêt général en permettant la production d'énergie renouvelable par la valorisation de biodéchets, et que sa viabilité économique dépend largement de la possibilité de commencer son activité dès 2022 et, d'autre part, que les nuisances, notamment olfactives, qu'est susceptible de créer pour les requérants cette exploitation ne sont pas plus fortes, voire devraient être substantiellement inférieures à celles qu'ils subissent du fait de l'épandage du lisier de la porcherie située à proximité et promise à la fermeture. Par suite, la condition d'urgence justifiant la suspension de l'exécution de cet arrêté ne peut être regardée, en l'espèce, comme remplie. ».
Le renversement de la présomption d’urgence, telle que prévue à l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme, apparait ainsi comme plus envisageable lors de procédures de référé-suspension dirigées contre des projets réalisés dans le cadre d’un motif d’intérêt général que pour des opérations dénuées de toute considération d’intérêt public.
Conseil d’Etat, 26 mai 2021, « Association Ovide et autres », n°436902