Le délai minimal de remise des offres n’est pas toujours suffisant pour garantir la régularité de la procédure de passation
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat décide pour la première fois qu’un délai de remise des offres qui respecterait le délai minimal fixé par les textes, voire lui serait supérieur, n’est pas toujours suffisant pour garantir la régularité de la procédure de passation, lorsque la complexité du marché et le temps nécessaires aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres impliquent de retenir un délai supérieur.
Ce faisant, la Haute Juridiction tire d’une part toutes les conséquences de la lettre de l’article 43 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, lequel prévoit :
« I. - L'acheteur fixe les délais de réception des candidatures et des offres en tenant compte de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur candidature et leur offre.
En procédure formalisée, ces délais ne peuvent être inférieurs aux délais minimaux propres à chaque procédure décrite aux articles 66 à 76 et, lorsque certains documents de la consultation ne sont pas publiés sur un profil d'acheteur pour l'une des raisons mentionnées au II de l'article 39, le délai minimal de réception des offres est augmenté de cinq jours, sauf urgence dûment justifiée. (…) ».
Ainsi, les exigences posées par le texte sont cumulatives : le pouvoir adjudicateur peut prévoir un délai de remise des offres conforme au délai minimal réglementaire sous réserve que la complexité du marché et le temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres n’impliquent pas de retenir un délai supérieur.
D’autre part, le Conseil d’Etat reconnait au juge du référé précontractuel le pouvoir de contrôler le délai de consultation.
Néanmoins, précise la décision, ce contrôle est limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, il appartiendra au juge de vérifier si le délai de remise des offres, même supérieur au délai minimal fixé par les textes, n’était pas « manifestement inadapté » à la présentation d’une offre.
Aussi, et comme l’indiquent les faits de l’espèce, c’est un délai suffisant, non pas pour établir une offre plus compétitive, mais pour déposer une offre recevable et régulière qui est garanti aux opérateurs économiques.
En l’occurrence, il s’agissait d’un marché public de transport scolaire pour lequel le règlement de consultation prévoyait que 20 points étaient attribués en fonction de l'âge des véhicules proposés et qu'une proposition ne comportant pas de véhicules neufs, ou de deux ans au maximum, recevait une note substantiellement inférieure à celle d'une proposition remplissant ce critère.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime que le délai de consultation du marché en litige, bien que supérieur au délai minimal prévu, était insuffisant pour permettre aux candidats de passer une commande de véhicules avec une date de livraison ferme en Guadeloupe après avoir obtenu le financement de ces véhicules, et que cette insuffisance était de nature à empêcher certains candidats d'obtenir la note maximale sur le critère de l'âge des véhicules dont ils disposaient.
Par ailleurs, la décision commentée apporte une précision intéressante sur ce que recouvre la notion de candidat lorsque les documents de la consultation limitent le nombre de lots pour lesquels un candidat peut remettre une offre et/ou pouvant être attribués à un même candidat.
Pour le Conseil d’Etat, lorsque deux sociétés ne mettent pas en œuvre des moyens distincts, elles doivent être regardées comme un seul et même candidat.
En conséquence, dans le cas d’une société candidate créée par le fils de la gérante d'une autre société candidate, n'ayant pas de moyens propres, mais se prévalant uniquement de ceux de cette dernière société, qui s'était engagée à mettre à sa disposition les véhicules nécessaires à l'exécution des marchés en question, le pouvoir adjudicateur ne pouvait attribuer à ces deux sociétés un nombre de lots supérieur au nombre maximal de lots pouvant être attribués à un même candidat fixé par le règlement de la consultation.
CE, 11 juillet 2018, Communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, n°418021, mentionné aux Tables