Le non-respect du délai de transmission du décompte de liquidation par le maître d’ouvrage ne permet pas à son cocontractant de s’exonérer des dispositions du CCAG Travaux relatives à la contestation du décompte
Saisi d’un pourvoi contre le rejet de l’appel du Centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy contre une ordonnance de désignation d’un expert judiciaire, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler le régime juridique de la contestation d’un décompte de liquidation intervenu après la résiliation d’un marché public.
Il ressort des faits de l’espèce que le Centre hospitalier a fait parvenir ce décompte au titulaire du marché neuf mois après la décision de résiliation et que suite à cette réception, l’entreprise résiliée a transmis un mémoire en réclamation 50 jours après réception du décompte, qui a ensuite été expressément refusé par le Centre hospitalier.
Sur la demande de l’entreprise, le Tribunal administratif compétent a ordonné la désignation d’un expert judiciaire afin d’apprécier « aux fins de déterminer, notamment, d'une part, les quantités de travaux réalisées par cette société et, d'autre part, les causes des retards subis par celle-ci ainsi que le montant des préjudices qui en ont résulté ». Le Centre hospitalier a interjeté appel de l’ordonnance devant la Cour administrative d’appel qui a rejeté sa demande.
Dans cet arrêt du 27 janvier dernier, la Haute Juridiction retient tout d’abord qu’en l’absence de toute disposition spécifique, les articles du CCAG Travaux relatifs à l’établissement et à la contestation du décompte général s’appliquent aux décomptes de liquidation. Puis, le Conseil d’Etat précise que le délai dans lequel le maître d’ouvrage doit faire parvenir le décompte de liquidation n’a vocation qu’à permettre au titulaire résilié de le mettre en demeure de le produire et de saisir le Tribunal administratif en cas de litige. Enfin, l’arrêt ajoute qu’en présence ou en l’absence d’une mise en demeure du titulaire, la production même tardive d’un décompte liquidation fait partir le délai de contestation qui est, sauf clause contraire, identique à celui prévu pour le décompte général.
Le Conseil d’Etat considère alors que le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en retenant que « (…) en jugeant que le décompte de liquidation du marché notifié par le centre hospitalier à la société GETELEC TP, le 10 août 2020, soit neuf mois après la signature du procès-verbal de résiliation du marché, ne pouvait tenir lieu de décompte de liquidation, au motif que sa notification était intervenue au-delà du délai de deux mois prévu par l'article 47.2.3 du cahier des clauses administratives générales, et que la société GETELEC TP ne pouvait ainsi se voir opposer les délais de contestation de ce décompte prévus par ce cahier (…) » et que le Centre hospitalier est fondé à obtenir l’annulation de sa décision.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat retient que l’entreprise resiliée à transmis son mémoire de contestation au-delà du délai de 45 jours prévu dans le CCAG Travaux applicable et que le décompte de liquidation est devenu définitif. Partant, il est retenu que l’expertise sollicitée est dénuée d’utilité et ce faisant que la demande de la société résiliée doit être rejetée.
Cette décision, rendue dans le cadre spécifique de la contestation d’une mesure d’expertise, montre que l’absence de diligence d’un maître d’ouvrage dans les opérations de décompte ne permet au titulaire que de le mettre en demeure et non d’échapper aux délais parfois contraignants qui pèsent sur lui pour contester tout ou partie du décompte.