Les conséquences de l’absence d’utilisation de Chorus Pro sur les opérations de décompte d’un marché public
Par un jugement du 15 juin 2023, le Tribunal administratif de Montpellier a rappelé les règles en matière de facturation électronique d’un marché public et, plus précisément, les conséquences de leur non-respect par le titulaire sur la faculté de ce dernier de se prévaloir d’un décompte général et définitif tacite.
La société SMB, par un acte d’engagement en date du 14 mars 2017, s’est vu attribuer le lot « Gros œuvre » d’un marché public relatif à la construction d’un bâtiment de 66 lits, pour un montant de 2 760 923,09 euros TTC, par la maison de retraite Jean Péridier à Montpellier.
La société titulaire de ce lot a adressé son projet de décompte final simultanément au maitre d’œuvre, au responsable du marché et à l’assistant à maitrise d’ouvrage, le 20 octobre 2020, auquel a été annexée une demande en réclamation au titre du préjudice financier tiré de l’allongement du chantier.
Estimant pouvoir se prévaloir d'un décompte général et définitif tacite, elle a demandé le paiement de cette somme par un recours préalable en date du 15 janvier 2021 auprès de la maison de retraite, maître d’ouvrage. En l’absence de réponse de cette dernière, la société titulaire du lot « Gros œuvre », a saisi le Tribunal administratif afin d’obtenir la condamnation de la maison de retraite au paiement du solde du projet de décompte final.
Pour mémoire, l’article 13.4.4 du CCAG-Travaux (applicable au marché considéré) permet au titulaire, en cas de silence du maitre d’ouvrage dans un délai de dix jours à compter de la réception du projet de décompte final, de considérer ce projet de décompte comme étant un décompte général et définitif ne pouvant plus être remis en cause par les parties.
En l’espèce, le Tribunal administratif a rappelé :
- L’obligation de transmission, par le titulaire, des factures sous forme électronique (article L. 2192-1 du Code de la commande publique) via une solution mutualisée, mise à disposition par l'Etat et dénommée « portail public de facturation » (articles L.2192-5 et R.2192-3 du Code de la commande publique) ;
- Cette obligation de facturation dématérialisée est applicable aux contrats en cours d’exécution (article 193 de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) lors de l’entrée en vigueur de celle-ci ;
- Et ce quand bien même le marché litigieux serait soumis à l’article 13.3.2 du CCAG-Travaux 2009 (dans sa version modifiée en 2014 et applicable au marché) qui permet la transmission du décompte final par tout moyen dans la mesure où les dispositions législatives précitées lui sont postérieures et présentent un caractère d'ordre public.
Ce faisant, en l’absence de transmission par voie dématérialisée sur la plateforme Chorus Pro du projet de décompte final par le titulaire requérant, ce dernier ne pouvait même en l’absence de production en réponse d’un décompte général par le maître d’ouvrage, se prévaloir du caractère définitif de ce projet de décompte final.
Par conséquent, il appartient aux titulaires de marchés de veiller au respect de leurs obligations au titre de la facturation électronique pour éviter que cela leur soit opposé lors d’un litige relatif au décompte.
Tribunal administratif de Montpellier, 4e chambre, 15 juin 2023, req. n°2105058