L’extension des pouvoirs du juge des référés précontractuels
Dans une décision du 18 septembre 2015, le Conseil d’Etat a opéré un important revirement de jurisprudence concernant les limites du pouvoir du juge des référés précontractuels.
Il a en effet indiqué qu’« il appartient au juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s'assurer que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, dans ce cadre, lorsque le candidat est une personne morale de droit public, il lui incombe de vérifier que l'exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s'il s'agit d'un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu ».
En l’espèce, la commune de Brie a lancé une procédure négociée en vue de faire réaliser des études d'urbanisme portant sur la création d'une zone d'aménagement concerté. Elle a retenu l’offre d’un groupement de commande notamment composé de l'association de gestion du CNAM des Pays de la Loire.
Le juge des référés précontractuels annule la procédure au motif qu'il n'entrait pas dans la mission de service public d'enseignement et de recherche de cet établissement public de délivrer des prestations de conseil juridique en droit de l'urbanisme. Le Conseil d’Etat confirme alors qu’il entre dans la mission du juge des référés précontractuels d’analyser la compétence juridique du candidat dès le stade du référé. Il annule toutefois l’ordonnance de référé aux motifs que le principe de spécialité n’a pas été méconnu dès lors que l’association de gestion du CNAM des Pays de la Loire est une personne morale de droit privé.
Cette décision marque l’abandon du principe posé par la Haute Juridiction dans sa décision Syndicat intercommunal de la Côte d'amour et de la presqu'île guérandaise en date du 21 juin 2000 (n° 209319), selon lequel il n'appartient pas au juge des référés précontractuels d'examiner d’autres moyens que ceux relatifs à des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, et notamment de se prononcer sur l'adéquation entre l'objet du marché et la spécialité du candidat retenu.
Le Conseil d’Etat ne précise toutefois pas si ce nouveau pouvoir de vérification de la compétence du candidat retenu s’applique également lorsqu’il s’agit d’une personne morale de droit privé.
CE, 18 septembre 2015, Association de gestion du CNAM des Pays de la Loire, n° 390041