Marche public d’assurance : le Conseil d’Etat encadre le droit de résiliation annuelle de l’assureur
L’article 113-12 du Code des assurances qui prévoit un droit de résiliation annuelle pour l’assureur s’applique-t-il à un marché public d’assurance, et dans l’affirmative, dans quelle mesure cette disposition se concilie-t-elle avec le droit de la commande publique ?
C’est à ces questions que répondent un arrêt rendu le 12 juillet 2023 pat le Conseil d’Etat.
En l’espèce, le Grand port maritime de Marseille (GPMM), établissement public, a contracté une police d'assurance « dommages aux biens » avec un groupement conjoint de sociétés d’assurances pour une durée initiale de 3 ans à compter du 1er janvier 2020.Ce contrat pouvait être reconduit tacitement, deux fois pour une durée d’un an, sans que l'assureur ne puisse s’y opposer.
Par deux courriers en date du 30 mars et du 19 juillet 2022, l’une des sociétés d’assurance a informé le GPMM de sa décision de résilier le marché à compter du 1er janvier 2023, décision à laquelle s’est opposé ce dernier par courrier mettant en demeure la société de poursuivre l’exécution du marché. Face au silence de celle-ci, le GPPM a alors saisi le Tribunal administratif de Marseille d’une requête en référé mesures-utiles (article L. 521-3 du CJA) en demandant au juge d’enjoindre à la société de maintenir la police d’assurance au moins jusqu’au 31 décembre 2023.
La demande a été rejetée au motif « qu'elle se heurte à une contestation sérieuse ». C’est contre que cette ordonnance que le GPPM s’est pourvu en cassation.
Sur la question de savoir si l’article 113-12 du Code des assurances ci-avant cité s’applique aux marchés publics d’assurance, le Conseil d’Etat répond par l’affirmative en ce que « (…) l’assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois. Le contrat peut prévoir une durée de préavis plus longue lorsque l’assuré est une personne morale. ».
Toutefois, et c’est certainement là que réside l’intérêt de cette décision, la Haute Juridiction apporte une limitation à la faculté de résiliation annuelle reconnue à l’assureur en jugeant qu’il résulte « des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l’assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d’assurance, cette dernière peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s’y opposer et lui imposer de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s’avère infructueuse. ». Le Conseil d’Etat précise tout de même que l'assureur « peut contester cette décision devant le juge afin d'obtenir la résiliation du contrat. ».
L’ordonnance du juge des référés du TA de Marseille est par suite annulée pour erreur de droit.
Si une personne publique est donc fondée à demander au juge des référés d’enjoindre à l’assureur de poursuivre pendant une durée maximale d’un an l’exécution du contrat d’assurance et après démonstration que la résiliation est de nature à compromettre la poursuite des missions de service public qui lui incombent, il est à craindre que cet encadrement du droit de résiliation annuelle des assureurs ne se fasse aux détriments des personnes publiques dans le prix de leurs futurs marchés publics d’assurance.
Conseil d'État, 12 juillet 2023, « GPPM », n°469319, mentionné dans les tables du recueil Lebon