Motivation du rejet des offres : le nom et le montant de l’offre de l’attributaire suffisent
Dans un arrêt du 9 avril 2019, le Tribunal de l’Union Européenne a statué sur le contenu de l’obligation de motivation du rejet des offres dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public.
Il rappelle d’abord que, par combinaison des articles 113 §2 du règlement financier et 161 §2 et §3 des règles d’application du règlement financier applicables aux procédures de passation de marchés publics dans le cadre d’une procédure d’appel d’offre, le pouvoir adjudicateur satisfait pleinement à l’obligation de motivation du rejet des offres « si, tout d’abord, il se contente de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et, ensuite, il fournit aux soumissionnaires qui satisfont aux critères d’exclusion et de sélection et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la réception d’une demande écrite » (point 49).
Le Tribunal précise ensuite qu’il ne saurait être exigé d’un pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, « d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre tenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé. »
Par ailleurs, il souligne que cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle « il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle ».
Ces règles sont celles qui ont été dégagées par la CJUE dans de précédents arrêts (v. CJUE 3 mai 2008 European dynamics C‑376/16 point 57 et CJUE 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C-629/11 P, point 21 ).
Au cas d’espèce, elles aboutissent à considérer que le pouvoir adjudicateur qui a communiqué le nom et le montant exact de l’offre attributaire a bien respecté son obligation de motivation.
La solution se comprend au regard des circonstances de l’espèce puisqu’en l’occurrence, le cahier des charges prévoyait que le marché était attribué à l’offre présentant le prix le plus bas. La communication du prix de l’offre retenue informait ainsi nécessairement les sociétés requérantes du raisonnement du pouvoir adjudicateur. Le Tribunal précise à ce titre que les sociétés évincées ont bien « été mises en mesure de comprendre les raisons qui ont conduit au classement de leur offre en seconde position » (points 53 à 55).
Les faits d’espèce, avec un critère unique prix, rendaient ainsi la satisfaction de l’obligation de communication des motifs du rejet très aisée.
En revanche, il convient de se rappeler que lorsque d'autres critères de sélection que le prix sont prévus, la CJUE considère de manière constante que le pouvoir adjudicateur doit communiquer le nombre de points, accompagnés d’une ventilation par sous-critères, obtenus respectivement par l’attributaire et les soumissionnaires retenus (CJUE 3 mai 2008 European dynamics C‑376/16 point 65).
Cette position est d’ailleurs conforme à celle retenue par le juge administratif qui considère que le rejet de l’offre doit s’accompagner des notes attribuées à l’offre du candidat évincé ainsi qu’à celle de l’offre retenue pour chaque critère pour le respect des articles R.2381-1 à R.2181-3 du code de la commande publique (ancien article 99 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marché publics).
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu estimer que la lettre de rejet d’une offre, quand bien même celle-ci renseignait sur le nom de l’attributaire, le motif principal du choix tenant au prix, l’indication que la notation sur la valeur technique avait été sensiblement la même ainsi que le nombre total de points des candidats avec leur classement, n’était pas suffisamment motivée du fait qu’elle ne précisait pas les notes attribuées à l’offre du candidat évincé ainsi qu’à celle de l’offre retenue pour chaque critère (CAA de Bordeaux, 30 octobre 2014, Collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, n°14BX00572).
Le Conseil d’Etat a également jugé que la motivation du rejet de l’offre était suffisante dans la circonstance ou celle-ci renseignait le nom de l’attributaire ainsi que « les notes obtenues par ces deux candidats sur chacun des critères, ainsi que les motifs détaillés qui justifient pour chacun des critères et sous-critères les notes attribuées aux deux sociétés. » (Conseil d’Etat, 8 avril 2019, SAS Réunicable, n°426096, mentionné aux tables).
TUE 9 avril 2019 SA Close et Cegelec c/ Parlement, n°T259/15