On ne transige (vraiment pas) sur les intérêts moratoires
Le protocole est un contrat qui a pour objet de prévenir ou d’éteindre un litige. Le Conseil d’Etat a récemment précisé que le protocole qui présente le caractère d’un contrat administratif est un document administratif communicable au sens du code des relations entre le public et l’administration (CE, 18 mars 2019, Ministre de l’économie, n° 403465, publié au recueil).
La cour administrative d’appel de DOUAI précise le régime de ce contrat.
En l’occurrence, un protocole conclu pour solder un litige survenu au titre de la clôture d’une concession d’aménagement était contesté par un élu membre de l’organe délibérant de la personne publique cocontractante dans le cadre d’un recours ayant pour objet de contester la validité du contrat (recours « Tarn-et-Garonne »). Alors que la personne publique avait accepté de prendre en charge le déficit de l’opération d’aménagement en contrepartie notamment de la renonciation du concessionnaire à solliciter le paiement des intérêts moratoires, cet élu soutenait que l’aménageur ne pouvait renoncer à l’application des intérêts moratoires prévus au contrat.
Pour la cour administrative d’appel :
- ce moyen est bien fondé concernant une concession d’aménagement qualifiable de marché public (voir, concernant l’impossibilité de transiger sur les intérêts moratoires, CE, 17 octobre 2003, Ministre de l’intérieur, n° 249822, publié au recueil, « Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires (étant) réputée non écrite » en application, désormais, de l’article L. 2192-14 du code de la commande publique) ;
- le vice concerne une clause non divisible du reste du contrat, il présente une particulière gravité et n’est pas régularisable, donc il justifie, en l’absence d’atteinte excessive à l’intérêt général, l’annulation de la transaction.
(CAA Douai, 27 février 2020, M. D, n° 18DA02505)
Au cas où le cocontractant de l’administration se serait désisté de son recours compte tenu de la signature du protocole, la solution dégagée par la cour administrative d’appel le placerait dans une situation délicate. Le cocontractant privé pourrait alors sans doute rechercher la responsabilité de la personne publique sur un terrain quasi-contractuel et quasi-délictuel, mais le maniement de ces règles laisse place à une certaine incertitude.
Il sera enfin relevé que, compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles, il n’est pas certain que cette solution soit transposable en cas de recours engagé par une partie au contrat (CE, 28 décembre 2009, « Béziers I », n° 304802, publié au recueil).
En tout état de cause il convient que les parties demeurent vigilantes lors de la conclusion d'un protocole quant à la régularité des concessions réciproques envisagées.