Attention! Le référé expertise ne suspend pas le délai de garantie des vices apparents
La troisième chambre civile de la Cour de cassation revient sur la question de l’application des délais de forclusion dans le domaine des actions en responsabilité contre les constructeurs. Rappelons que :
- L'article 2241 du Code civil prévoit que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». En cas d’introduction d’un référé expertise, un nouveau délai de même durée que l'ancien recommence ainsi à courir à compter de la date de l'ordonnance désignant l'expert.
- L’article 2239 du même code précise quant à lui que « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. ». Cette disposition permet au demandeur à une expertise d'attendre sereinement la fin des opérations avant de décider d'une assignation au fond sans risquer de voir son action prescrite.
- En application de l’article 2220 du Code civil, la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du Code civil n'est pas applicable au délai de forclusion.
Dans ces conditions, la qualification des délais d'action en responsabilité des constructeurs est fondamentale afin de déterminer si leur suspension est envisageable.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation qualifie clairement le délai de garantie des vices apparents d’un an dont bénéficie l’acheteur d’un immeuble à construire au titre de l’article 1642-1 du Code civil de délai de forclusion. En conséquence, elle juge que cet acheteur qui, après une expertise, a introduit son action au fond, après l’expiration du délai d’un an à compter de l’ordonnance désignant l’expert, est forclos.
La question de la distinction entre délai de forclusion et délai de prescription et de l'application de l'article 2239 du Code civil se pose concernant d'autres délais :
- La Cour de cassation a clairement affirmé que « le délai de la garantie biennale (...) est un délai de forclusion, non de prescription » (Cass. 3e civ., 4 nov. 2004, n° 03-12.481, F-P+B.).
- Le recours au terme de « forclusion décennale » semblerait attester de la volonté de la Haute juridiction, sans que cela ait pourtant été confirmé, de traiter le délai de garantie décennale comme un délai préfix, donc de forclusion (Cass. 3e civ., 8 sept. 2009) .
- Enfin, cette qualification paraît devoir être étendue aux délais de la garantie de parfait achèvement qui est, à l'instar des délais des garanties décennale et de bon fonctionnement, un délai d'épreuve au terme desquels les constructeurs sont libérés des lourdes obligations qui leur incombent (Cass. 3e civ., 15 févr. 1989, n° 87-14.713) . (v. Sabine Bertolaso, Délais des recours entre constructeurs : une clarification nécessaire, in Jurisclasseur Construction urbanisme n°7-8 juillet 2014, Etude n°6).
Toutefois, certaines juridictions ont admis la possibilité d'appliquer les dispositions de l'article 2239 du Code civil au délai de la garantie de parfait achèvement (V. en ce sens CA Nancy, 2e ch., 30 juin 2011, n° 09/01212 – CA Amiens 21 févr. 2012, n° 09/04564 ) alors même que le délai de garantie de parfait achèvement est un délai préfix (CA Rouen, 22 juin 2011).
Une clarification s'impose donc sur la nature de ces autres délais.