Maîtres d’ouvrage et décompte : comment (p)réserver vos droits ?
Un maître d’ouvrage qui notifie un décompte doit être particulièrement vigilant.
Le caractère définitif du décompte empêche en effet le maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle de son cocontractant, sauf s’il a assorti le décompte de réserves. Cette logique vaut tant pour les marchés de travaux que pour les marchés de prestations intellectuelles.
Dans un arrêt récent du 19 novembre 2018, le Conseil d’Etat confirme la position des juridictions d'appel (v. notamment CAA Lyon, 20 décembre 2016, n°14LY03040). Dans un considérant qui ne laisse aucune place au doute, il indique que « (…) il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves ; qu'à défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. »
Ainsi, dans le cas d’espèce, la responsabilité contractuelle d’un maître d’œuvre pour défaut de conseil lors des opérations préalables à la réception ne peut être recherchée faute pour le maître d'ouvrage d’avoir réservé son décompte sur ce point.
S’agissant du contenu des réserves, à noter que la Cour administrative d'appel de Nantes a pu considéré, de manière plutôt sévère, qu’une réserve faisant référence aux opérations d’expertise judiciaire en cours en ces termes : « sous réserve des indemnités susceptibles d’être accordées par suite d’un règlement amiable ou par voie judiciaire, en réparation du préjudice subi par la maîtrise d’ouvrage attesté par le rapport de l’expert désigné par le tribunal administratif de Rennes […] » n’était pas assez précise. Le maître d’ouvrage ne pouvait donc se fonder sur cette réserve pour engager sa responsabilité contractuelle.