Sursis à statuer, demande de reconstruction à l’identique et exception d’illégalité du PLU
Le sursis à statuer permet à l’administration de retenir sa décision sur une demande d’autorisation d’urbanisme dans l’attente de la concrétisation d’un projet d’urbanisme fort de la collectivité que cette autorisation pourrait affecter (article L. 424-1 du code de l’urbanisme). Le sursis à statuer peut ainsi et notamment permettre à l’administration de retenir sa décision sur une demande d’autorisation d’urbanisme qui serait « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan » (article L. 153-11 du code de l’urbanisme).
Les juridictions administratives ont précisé le régime du sursis à statuer par deux décisions relativement récentes qui retiennent l’attention.
En premier lieu, un sursis à statuer ne peut être prononcé lorsque la demande porte sur la reconstruction à l’identique d’un bâtiment régulièrement édifié qui a été détruit ou démoli.
En application de l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme en effet, seules des dispositions expresses d’un document local d’urbanisme (ou d’un PPRNP) peuvent faire obstacle à la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli (voir cependant au cas où les occupants du bâtiment détruit seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité CE, avis, 23 février 2005, n° 271270, publié au recueil).
Pleinement justifiée en droit dès lors que l’on admet qu’un sursis à statuer fait obstacle à la réalisation d’un projet, cette solution nous semble par ailleurs juste « en équité ». La possibilité de reconstruire à l’identique répond en effet à une hypothèse de destruction accidentelle d’un bâtiment. Et en l’absence de cet accident, le projet d’urbanisme poursuivi par l’administration aurait dû composer avec ce bâtiment.
(CAA Versailles, 29 mai 2020, Commune d’Epinay-sur-Seine, n° 18VE02859)
En second lieu, il est (désormais) possible pour l’administré d’exciper de l’illégalité du futur PLU à l’appui de son recours dirigé contre la décision de sursis qui lui a été opposée.
Comme le précise le Conseil d’Etat : « un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pu sans erreur de droit, pour apprécier la légalité de la décision de sursis à statuer opposée […], examiner la légalité du futur plan local d'urbanisme ne peut […] qu'être écarté ».
Il est donc possible dans l’hypothèse considérée de se prévaloir de l’illégalité d’un acte encore non définitif mais qui produit des effets de droit – ce qui est le propre des décisions faisant grief.
(CE, 22 juillet 2020, Commune de Queue-les-Yvelines, n° 421763, publié au recueil, qui marque un revirement par rapport à CE, 17 mars 1982, SCI le bas Chevincourt, n° 24962, mentionné aux tables)