L'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme : une application limitée à l'atteinte visible (et non fonctionnelle)
Le règlement national d’urbanisme définit les règles d’urbanisme de base, dont certaines sont applicables sur l’ensemble du territoire. Il en va ainsi des dispositions de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme, qui prévoit que :
« Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. »
Elles permettent à l’administration de refuser l’octroi d’un permis de construire ou de l’assortir de prescriptions spéciales dans l’hypothèse où les caractéristiques des constructions projetées seraient de nature à porter atteinte à leur environnement, qu’il soit bâti ou non. La formulation de ces dispositions étant très large, la jurisprudence a dû en préciser la portée.
En milieu naturel, l’on comprend aisément que cet article a vocation à protéger l’aspect visuel de l’environnement du projet. Cette lecture est confirmée par l’arrêt Association Engoulevent et autres (CE 13 juill. 2012 Association Engoulevent, n° 345970 Mentionné aux T.) par lequel le Conseil d’Etat a précisé l’office du juge dans la mise en œuvre de ces dispositions : il apprécie dans un premier temps la qualité du site naturel pour déterminer, dans un second temps, l’impact de la construction sur ce dernier. La question se pose de façon plus prégnante en milieu urbain, auquel des juges d’appel ont pu commencer à étendre l’application du dispositif issu de l’arrêt Association Engoulevent et autres (voir en ce sens CAA de Bordeaux 20 février 2020 n° 18BX03683).
En effet, nonobstant le caractère esthétique de son environnement urbanisé, une construction peut également porter atteinte au bon fonctionnement des constructions voisines. Très tôt, le juge administratif a pourtant écarté toute portée utilitariste qui serait donnée à ces dispositions en milieu urbain. Il a ainsi refusé de censurer un projet dont l’implantation était prévue en limite parcellaire qui avait pour effet d’obstruer les baies vitrées de la construction voisine (CE 11 janvier 1984 Allard n° 23174, mentionné aux T.). La même année, les juges du Palais Royal ont réaffirmé que « la privation de vue n'est pas au nombre des situations entrant dans le champ d'application de l'article R. 110-21 [actuel article R. 111-27] du code de l'urbanisme » (CE 14 novembre 1984 Mme Paillard n° 52203, mentionné aux T.), pas plus que ne l’est la privation d’ensoleillement (CE 9 janvier 1991, Cne de Colombes, n° 91162).
Le Conseil d’Etat a donc récemment rappelé la portée de cet article : « ces dispositions permettent de rejeter ou d'assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain » (CE 13 mars 2020, n° 427408, mentionné aux T.). Il a ainsi censuré le jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon qui avait annulé un permis de construire un immeuble au motif que ce dernier, causant une baisse d’ensoleillement de la construction voisine, en altèrerait les conditions de fonctionnement (cette dernière avait été réalisée selon une architecture bioclimatique). Les juges du Palais Royal rappellent donc ici très clairement que les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme répondent à une rationalité esthétique, visuelle.