On ne transige (vraiment pas) sur les intérêts moratoires : la juridiction administrative persiste et signe
L’interdiction de toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics étant absolue, sa méconnaissance entache d’illégalité le protocole qui la contient et est de nature à justifier son annulation.
Le litige était relatif à la légalité d’un protocole conclu pour solder un litige survenu au titre de la terminaison d’une concession d’aménagement, la personne publique ayant accepté de prendre en charge le déficit de l’opération en contrepartie, notamment, de la renonciation par le titulaire à solliciter le paiement des intérêts moratoires.
Saisie de l’affaire, la cour administrative d’appel de Douai avait jugé que la concession d’aménagement était qualifiable de marché public (faute de risque d’exploitation supporté par l’aménageur) et, ainsi, que la renonciation aux intérêts moratoires stipulée dans le protocole était illégale. Puisque la clause n’était pas divisible du reste du contrat, le vice était d’une particulière gravité et non régularisable et, partant, de nature à entrainer l’annulation de l’entier protocole (CAA Douai, 27 février 2020, n°18DA02505, arrêt déjà commenté par le cabinet ici).
Sans surprise - eu égard au caractère d’ordre public de l’interdiction de toute renonciation aux intérêts moratoires sanctionnant les retards de paiement dans les marchés publics, le Conseil d’Etat confirme en tous points l’arrêt de la cour administrative d’appel.
La décision se conforme au surplus aux conclusions du rapporteur public (M. Pichon de Vendeuil), qui justifiait l’annulation du protocole dans son ensemble par le fait que la renonciation aux intérêts moratoires constituait une concession de l’une des parties et qu’à ce titre, elle était « de nature à affecter l’équilibre de l’ensemble de la transaction et donc la convention tout entière ».
Nous préconisons donc aux parties d’être vigilantes, lors de la conclusion d’un protocole, quant à la régularité de chacune des concessions réciproques envisagées.
CE 18 mai 2021, Communauté d'agglomération de Lens-Liévin, n°443143, mentionné dans les tables du recueil Lebon, conclusions M. Pichon de Vendeuil