L’éclairage du Conseil d’Etat concernant l’obligation de fixer un maximum aux accords-cadres
Le Conseil d’État, dans une décision du 28 janvier 2022 (CE, 28 janvier 2022, n°456418, mentionné aux tables), s’inscrit dans la lignée de l’arrêt Simonsen de la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE) du 17 juin 2021 en affirmant que la passation d’un accord-cadre sans maximum est entachée d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Dans l’arrêt Simonsen, la Cour de justice a indiqué que les dispositions de la directive marchés publics 2014/24/UE du 26 février 2014 imposaient que soit portée à la connaissance l’estimation du maximum en quantité et/ou en valeur des prestations à réaliser. Une telle estimation est nécessaire aux opérateurs économiques pour leur permettre de calibrer au mieux leur offre. Par conséquent, l’absence de cet élément considéré désormais comme essentiel est un manquement sérieux aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 28 janvier 2022, vient apporter un éclairage important concernant l’articulation entre la jurisprudence Simonsen et le décret n°2021-111 du 23 août 2021. Ce dernier avait intégré un nouvel article R. 2162-4 du code de la commande publique qui imposait de fixer un maximum pour les accords-cadres, cette règle ne s’appliquant que pour les procédures de passation initiées depuis le 1er janvier 2022.
Or, la Cour de justice de l’Union européenne avait affirmé le 17 juin 2021 que la règle était applicable immédiatement, « sans prévoir une application différée dans le temps ».
Dans l’affaire venue devant le Conseil d’Etat le 28 janvier 2022 (pourvoi suite à un jugement en référé précontractuel), l’avis d’appel public à la concurrence avait été publié par le pouvoir adjudicateur les 8 et 21 mai 2021, soit avant la jurisprudence Simonsen de la CJUE, et de facto avant le décret n°2021-111 du 23 août 2021. Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le régime applicable à ces procédures lancées avant cette jurisprudence.
Le Conseil d’Etat confirme la jurisprudence Simonsen, à savoir que la procédure litigieuse relevait du champ d’application de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 et que la règle de fixation d’un maximum à l’accord-cadre s’appliquait, peu importe que la procédure de passation ait été initiée avant la décision.
Ce faisant, le Conseil d’Etat donne une portée limitée au différé d’application introduit par le décret n°2021-111 du 23 août 2021 qui n’a, en conséquence, d’effet qu’à l’égard des marchés hors champ de la directive 2024/14/UE.