Prise en compte des éléments par lesquels l’expert se prononce au-delà des termes de sa mission
Par un arrêt du 29 juin 2020 (CE, 29 juin 2020, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM), n°420850), le Conseil d’État confirme sa jurisprudence concernant les éléments de l’expertise par lesquels l’expert se prononce au-delà des termes de sa mission.
Dans deux hypothèses, ces derniers peuvent être régulièrement pris en compte par le juge administratif, dès lors qu’ils ont été soumis au débat contradictoire en cours d’instance :
- Soit lorsqu’ils ont le caractère d’élément de pur fait non contestés par les parties,
- Soit à titre d’éléments d’information dès lors qu’ils n’ont pas été infirmés par d’autres éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige.
Le Conseil d’Etat considère ainsi que « la seule circonstance qu’un rapport d’expertise, à l’initiative de l’expert, se prononce sur des questions excédant le champ de l’expertise ordonnée par la juridiction, n’est pas, par elle-même, de nature à entacher cette expertise d’irrégularité ».
Cette solution reprend le même considérant de principe que celui de l’arrêt du23 octobre 2019 rendu par le Conseil d’Etat relativement à une expertise judiciaire ordonnée dans un litige distinct (en l’espèce un litige jugé par le juge judiciaire) (CE, 23 octobre 2019, CH Bretagne Atlantique, n° 419274).
Elle se rapproche en outre de la position du juge judiciaire qui considère que « les juges du fond sont en droit de s’approprier l’avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission », dès lors que cette opinion a été portée à la connaissance des parties qui ont, ainsi, pu en débattre contradictoirement, sans en contester le contenu (Cass., Civ. 3ème, 5 mars 2003, n° 00.21.931).
A rappeler toutefois, que sur certaines questions portant sur la valeur d’une expertise les jurisprudences administrative et judiciaire divergent encore.
Tel est notamment le cas s’agissant de la valeur des expertises amiables. En effet, alors que le juge administratif peut se fonder sur une telle expertise, si elle a été réalisée dans le respect du contradictoire et de l’impartialité (cf. notamment la jurisprudence qui ne reconnaît pas l’utilité d’une expertise judiciaire au motif qu’une expertise amiable a eu lieu : CE, 23 décembre 2016, n°401066), la Cour de Cassation a encore récemment réfusé que le juge se fonde exclusivement sur une expertise non-judiciaire quand-bien même elle aurait été réalisée en présence de l’ensemble des parties (Cass., Civ. 3ème, 24 mai 2020, n°19-16.278 et 19-16.279).