Quand la provision obtenue dans le cadre d’un référé n’a pas à être restituée malgré le rejet de l’action au fond
Par une décision du 20 juillet dernier, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le sort d’une somme obtenue dans le cadre d’une action en référé provision après le rejet d’une action au fond ultérieure.
En effet, la Haute Juridiction devait trancher, a priori pour la première fois, un litige dans lequel un constructeur, condamné à verser une somme dans le cadre d’un référé provision, sollicitait la restitution de la somme après le rejet de l’action au fond du maître d’ouvrage en raison de la prescription de celle-ci.
Le Conseil d’Etat avait déjà retenu qu’en cas de rejet total ou partiel de la demande indemnitaire en ce qu’elle était infondée, le demandeur était tenu de restituer tout ou partie de la somme obtenue dans le cadre d’un référé provision. Mais il ne s’était pas penché sur l’hypothèse du rejet pour prescription de l’action au fond – ici dans le cadre d’un litige décennal sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.
La décision du 20 juillet énonce ainsi que :
« Si le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond, statuant sur sa demande pécuniaire ou sur une demande du débiteur tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, décide que la créance invoquée n'est pas fondée ou qu'elle est d'un montant inférieur au montant de la provision, tel n'est pas le cas lorsque le juge du fond rejette la demande dont il est saisi pour un motif tiré de l'irrecevabilité ou de la prescription de l'action au fond. En ce cas, les sommes accordées par le juge des référés à titre de provision sont définitivement acquises. ».
Le raisonnement du Conseil d’Etat peut paraître surprenant. Il repose sans doute, comme le précisait le rapporteur public dans ses conclusions, sur l’idée selon laquelle la prescription de l’action au fond ou bien son irrecevabilité n’est pas de nature à remettre en cause le caractère non sérieusement contestable de la créance et donc de la provision obtenue sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative.
La potentielle carence du demandeur, dans le cadre d’une action au fond que cela soit pour tardiveté de l’action ou parce qu’elle est irrecevable et ce après avoir bénéficié d’une provision peut donc lui être favorable, puisque cette dernière deviendra définitive.
Il n’en reste pas moins que le débiteur de la provision reste toujours en capacité, pour éviter une telle situation, de :
- Contester, par voie d’appel puis de cassation, la décision du juge des référés ;
- Ou d’agir, sur le fondement de l’article R. 541-4 du Code de justice administrative, en restitution de la provision à défaut d’introduction d’une action au fond par le demandeur dans un délai de 2 mois à compter de la décision de provision.
Conseil d'État, 20 juillet 2022, « Région Guyane », n°455106