Quel est le positionnement du Conseil d’Etat par rapport à l’allotissement ?
L’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, à l’instar du Code des marchés publics, impose par principe le recours à l’allotissement, dès lors que des prestations distinctes peuvent être identifiées. Elle prévoit toutefois, à côté des marchés globaux, une série d’exceptions à ce principe : « Les acheteurs peuvent toutefois décider de ne pas allotir un marché public s'ils ne sont pas en mesure d'assurer par eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou si la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations » (article 32 de l’ordonnance n° 2016-899 relative aux marchés publics). Afin de contrôler ce régime dérogatoire, le juge administratif exerce un contrôle normal sur la décision de ne pas allotir un marché (CE, 26 juin 2015, n° 389682, Ville Paris).
En revanche, seul un contrôle restreint (limité à l’erreur manifeste d’appréciation) est exercé sur la pertinence du nombre et du contenu des lots d’un marché, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine au terme de l’ordonnance (v. CE, 21 mai 2010, n° 333737, Cne Ajaccio).
Un arrêt du 25 mai 2018 illustre, ce qui est rare, une approche plutôt libérale du contrôle normal de la décision de non allotissement, exercé selon le Conseil d’Etat « eu égard à la marge d’appréciation [des acheteurs]».
Pour valider la dévolution en un seul lot d’un marché de travaux portant sur la réhabilitation d’un établissement scolaire, il prend ainsi en compte en l’espèce le fait que :
- La dévolution en lots séparés risquait de rendre techniquement plus difficile l'exécution du marché au regard :
- Des caractéristiques de l'établissement, qui réunissait une école primaire, un collège et un lycée dans une dizaine de bâtiments différents
- De la nécessité d'une coordination rigoureuse des prestataires en raison de la complexité d'une opération qui concerne l'ensemble de l'établissement mais qui doit être réalisée sans interruption de son fonctionnement
- Du fait qu’une entreprise générale est mieux à même d'assumer les fortes contraintes de sécurisation des chantiers et des multiples accès à l'établissement
- Eu égard à son incidence sur les délais d'exécution et sur le coût de la location de bâtiments modulaires accueillant, pendant la durée des travaux, l'ensemble des élèves, professeurs et personnels de l'établissement, l'allotissement risquait de rendre financièrement plus coûteuse l'exécution du marché