Référé « secret des affaires » et procédure de passation d’un marché public
Prévu par les dispositions de l’article R. 557-3 du code de justice administrative et entré en vigueur le 1er janvier 2020, le référé « secret des affaires » permet au juge administratif de prendre toute mesure à caractère provisoire et conservatoire en vue de prévenir une atteinte imminente ou de faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires.
Les conditions qui justifient la saisine du juge des référés nécessitent la démonstration, par le requérant, de l’existence d’une atteinte certaine à un secret des affaires, soit illicite (elle est constituée), soit imminente (elle arrivera avec certitude si le juge des référés n’intervient pas).
Saisi par un candidat d’une procédure de passation d’un marché public, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 10 février 2022, s’est prononcé sur les contours de l’intervention du juge des référés statuant sur le fondement de ces dispositions en procédant à l’appréciation :
- du risque d’atteinte imminente au secret des affaires ;
- de l’intérêt du référé « secret des affaires » dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public.
Le requérant, candidat à l’attribution d’un marché, demandait au juge des référés d’interdire à l’assistant à maîtrise d’ouvrage d’une part, d’avoir accès à l’ensemble des documents déposés par les candidats et, d’autre part, de l’exclure de la consultation. Il reprochait en effet à l’AMO d’entretenir des relations étroites avec l’un de ses concurrents.
Par cet arrêt du 10 février 2022, le Conseil d’Etat censure l’ordonnance du juge du référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe qui avait donné raison au requérant au motif que, l’article L. 2132-1 du code de la commande publique imposant une obligation de confidentialité à l’acheteur, le risque d’atteinte imminente à un secret des affaires n’était pas établi.
Ainsi, la circonstance selon laquelle l’AMO entretiendrait des relations étroites avec une société concurrente ne suffit pas à justifier de la saisine du juge du référé « secret des affaires ». Ce dernier ne peut statuer que si l’atteinte au secret des affaires est certaine. Il ne peut, en revanche, se prononcer si l’atteinte se révèle hypothétique.
L’intérêt de la décision rendue par le Conseil d’Etat réside dans l’obiter dictum inséré par le juge qui précise, compte tenu du statut de candidat à l’attribution d’un marché public du requérant, qu’en cette qualité le demandeur avait tout intérêt à utiliser la voie de droit spécialement conçue pour lui : le référé précontractuel.
Si le juge du référé « secret des affaires » ne peut sanctionner une atteinte hypothétique à ce secret, le juge du référé précontractuel dispose, quant à lui, de la possibilité de sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui incombent à l’acheteur public, au premier rang desquelles figure l’impartialité.
CE, 10 février 2022, CHU de Pointe à Pitre, n°456503, publié au recueil Lebon