Refonte du CCAG applicable aux marchés privés de travaux de bâtiment (norme NF P 03-001)
Dix-sept ans après sa dernière édition, la nouvelle version de la norme NF P 03-001, qui constitue le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés privés de travaux de bâtiment, est parue le 20 octobre 2017 sur le site de l’Afnor.
Très utilisé en pratique, ce document-type a été remanié pour tenir compte des dernières évolutions législatives et jurisprudentielles, notamment de la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 12 février 2016 modifiant le Code civil.
Les principaux changements apportés à la norme sont les suivants :
- Devoir d’information précontractuel : le CCAP doit prévoir les conditions et modalités relatives à la mise en œuvre du devoir d’information précontractuel figurant à l’article 1112-1 du Code civil. S’agissant de régir une phase précontractuelle, il paraît toutefois peu cohérent d’insérer une telle règle dans le CCAP… Il aurait été certainement préférable de retranscrire l’article 1112-1 du Code civil dans la norme afnor, à savoir « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
- Caractère contractuel de nouveaux documents : pour parfaire le devoir d’information de nouvelles pièces deviennent contractuelles : d’abord les diverses pièces devant figurer au CCTP : études géotechniques, déclarations de projet de travaux relatifs aux réseaux existants, documents relatifs à la recherche, au repérage, et au recensement exhaustif de l’amiante, mais aussi l’ensemble des diagnostics obligatoires, bordereau de prix, et les clauses financières relatives à la location des réseaux existants à proximité des travaux également.
- Cotraitance au dessus de 100 000 euros: la norme reprend les dispositions de l’article L.111-3-2 CCH, imposant d’introduire dans le marché, à peine de nullité, des stipulations impératives en cas de travaux et prestations de services réalisés en cotraitance dont le montant excède 100 000 euros (Identité du maître d'ouvrage ainsi que celle des cotraitants, nature et prix des travaux ou prestations de service devant être réalisés par chaque cotraitant de façon détaillée, mention expresse de l'existence ou non de la solidarité juridique des cotraitants envers le maître d'ouvrage, etc).
- Travail illégal et fraude au détachement : la norme est mise en conformité avec les nouvelles dispositions réglementaires et législatives relatives au travail illégal et fraude au détachement, notamment elle prévoit une faculté de résiliation pour faute en cas d’absence de présentation de la carte d’identification professionnelle et sécurisée.
- Imprévision : la norme introduit la théorie de l’imprévision consacrée par le législateur à l’article 1195 du Code civil, en y apportant toutefois des aménagements. Notamment elle ne prévoit pas l’obligation de continuer les prestations pendant la période de négociation, et impose le recours à une procédure de règlement amiable des litiges avant la saisine du juge.
- Pénalités de retard diminuées: le montant des pénalités est divisé par trois pour être porté à 1/3000 e du montant du marché, avec toutefois un maintien du plafond à 5 % du montant du marché.
- Abaissement du seuil pour indemnisation en cas de diminution de la masse de travaux : le seuil de déclenchement de l’indemnisation en cas de diminution de la masse des travaux est réduit à 10 % au lieu de 15% du montant initial des travaux.
- Réception : de nombreux changement sont prévus :
- Les imperfections qui peuvent faire l’objet de corrections doivent donner lieu à des réserves à la réception sans pouvoir la retarder.
- En cas de réception avec réserves, si l’entrepreneur n’a pas accès au chantier pour les lever, après mise en demeure restée infructueuse après 15 jours, elles sont réputées levées.
- Réception avec réfaction : s’inspirant de l’article 1223 du Code civil selon lequel « Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. », il est prévu qu’en cas de non conformités de l’ouvrage aux spécifications du marché, ne remettant pas en cause la sécurité, le comportement ou l’utilisation de l’ouvrage, le maître d’ouvrage peut proposer une réfaction du prix et renoncer à la réfection de l’ouvrage. La prudence devra cependant être de mise pour une telle pratique, dès lors que si les imperfections acceptées génèrent ultérieurement des désordres, cela expose le maître d’ouvrage à un risque de refus de garantie par les assureurs tant DO que décennal.
- Refus de réception : il ne peut être motivé que par l’inachèvement de l’ouvrage, ou un ensemble d’imperfections équivalant à un inachèvement ou nécessitant des reprises d’ouvrages « substantielles ».
- Avances : la norme prévoit désormais qu’une avance de 10% du montant du marché TTC est versée, sauf stipulation contraire.
- Retenue de garantie : la retenue de garantie devient facultative, là où elle était auparavant imposée.
- Médiation/conciliation : la norme prévoit que les différends liés au marché seront soumis préalablement à toute action en justice à une médiation ou conciliation. Il est probable que ce recours aux modes de règlement amiable des litiges sera considéré comme étant un préalable obligatoire à la saisine d’un juge.